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De l’injustice du monde aux revendications millénaristes



Tout au long de l’histoire de l’islam, des mouvements millénaristes, révolutionnaires et messianiques, se sont développés de façon récurrente en réaction à des situations d’injustice sociale marquée. Ils reposent sur la croyance que le mahdî, littéralement le « Bien guidé », doit apparaître à la fin des temps pour restaurer la justice et la vérité dans le monde et instaurer une ère de paix avant le Jugement Dernier. Le mahdî va sauver les hommes du péché et établir le royaume de Dieu sur la Terre ; son règne reflétera la pureté de celui du Prophète Muhammad (saw) et des premiers temps de l’islam. Les bons iront au Paradis et les méchants en Enfer. La figure du mahdî est proche de celle du Messie chrétien, l’« oint », libérateur désigné et envoyé par Dieu. D’une façon générale, les musulmans considèrent que Jésus reviendra à la fin des temps et accompagnera le mahdî. Pour les chiites duodécimains, le mahdî n’est autre que le Douzième Imam.

Le onzième Imam des chiites duodécimains, Hasan al-‘Askarî, est mort en 874 de l’ère grégorienne. Dans la théologie chiite, cette date correspond à l’occultation mineure du douzième Imam, Muhammad al-mahdî, son fils naturel, un enfant âgé seulement de 7 ans. Dans les années successives, il s’est manifesté par l’intermédiaire de représentants avant d’entrer en occultation majeure en 941. Il n’est pas visible, mais il est vivant et peut réapparaître à tout moment. Personnage central de l’eschatologie du chiisme. Pour la plupart des chiites, le martyre du troisième Imam, Husayn, constitue un point de référence important. Cet événement historique offre un témoignage frappant de l’injustice du monde, il fonde la tradition doloriste et les tendances millénaristes du chiisme.

En 680 de l’ère grégorienne, l’Imam Husayn, le deuxième fils de ‘Alî et de Fâtimah, et donc le petit-fils du Prophète Muhammad (saw), refuse de prêter allégeance à Yazîd, le fils de Mu‘âwiyah, fondateur de la dynastie omeyyade. Accompagné d’une poignée de fidèles, il quitte La Mecque pour rejoindre la ville de Kufa (aujourd’hui en Irak), où il compte de nombreux partisans. La petite troupe est interceptée le 2 muharram par l’armée omeyyade dans la plaine de Karbala, non loin de l’Euphrate. Obligé de bivouaquer sans pouvoir se ravitailler en eau pendant plusieurs jours, Husayn subit finalement l’assaut de l’ennemi. Lui et la plupart de ses compagnons trouvent la mort le 10 muharram de l’an 61 de l’hégire (correspondant au 10 octobre 680). La tête de l’Imam Husayn (as) est transportée au bout d’une pique jusqu’à Damas, où réside Yazîd, alors que son corps, piétiné et profané, sera enterré sur place par les habitants d’un village voisin trois jours après sa mort. Les quelques rescapés — dont son fils, ‘Alî Zayn al-‘Âbidîn (as) , seul mâle à échapper au massacre (le quatrième Imam des chiites, grâce auquel une nombreuse descendance sera assurée), et sa sœur, la courageuse Zaynab — sont conduits en captivité à la cour omeyyade.

Dans les croyances chiites, les Imams sont doués de prescience. L’Imam Husayn (as) savait donc parfaitement ce qui l’attendait en entreprenant son voyage. Cela augmente encore le sens de son sacrifice, par lequel il dénonce l’impiété des gouvernants tout en se soumettant à la volonté divine. Chaque année, lors du mois du muharram, les fidèles revivent jour par jour les différents actes du drame. En Iran par exemple, des représentations théâtrales de la passion de l’Imam Husayn (ta’zîyeh) sont montées dans des lieux édifiés à cet usage, les husayniyeh. Pouvant exprimer la contestation sociale et politique, elles ont joué un rôle dans la Révolution islamique de 1979. L’Ashura est une cérémonie expiatoire au cours de laquelle les chiites expriment leur sentiment de culpabilité de ne pas avoir porté assistance à l’Imam Husayn (les habitants de Kufa, qui ont appelé Husayn avant de l’abandonner à son sort, symbolisent l’ensemble de la communauté chiite). La fin tragique de ce dernier représente l’injustice du monde, l’imperfection des hommes et la faiblesse de la résistance contre des pouvoirs oppressifs. Bien que Husayn ne soit pas le mahdî, la commémoration de son martyre peut aussi être lue comme un appel à résister aux gouvernants impies et comme l’expression de l’attente d’un monde meilleur, car les pénitents réclament le triomphe des justes annoncé à la fin des temps.